Interview Weltbild

Originalartikel (2022) im Weltbild-Magazin

Traduction en français par Alexia Valembois

Les héroïnes existaient déjà il y a 2 000 ans !

Charlotte Fondraz en entretien sur la question du woman power dans l’antiquité germanique et sur son nouveau roman historique

Par Franziska Kurz, journaliste culture

Que nous ne sachions rien d’elles ne veut pas dire qu’elles n’ont pas existé, ces femmes puissantes qui ont écrit l’histoire. Les hommes n’ont pas toujours été aux commandes et ils ne le seront pas non plus indéfiniment, s’il y a bien une chose dont l’auteure Charlotte Fondraz est sûre, c’est celle-là. Dans son nouveau roman historique Der silberne Kessel (le chaudron d’argent), avec ce mystérieux (et authentique) chaudron magique, quatre femmes puissantes se partagent le premier rôle : une guerrière, une voleuse, une druidesse et une proscrite. Charlotte Fondraz trame adroitement faits et fiction et ravive ainsi tout un pan de l’histoire germano-celtique.

Nouveauté en rayon : le roman historique Der silberne Kessel par l’auteure à succès Charlotte Fondraz. Foto: © privat

De l’égalité des droits entre les femmes et les hommes chez les Germains ?

Dans cet entretien, Charlotte Fondraz nous en dit un peu plus sur cette question et aussi sur les illustres inconnues qui ont écrit l’histoire ainsi que sur la magie des malédictions et des prophéties.

Il se dégage des personnages féminins du roman, telles que la guerrière Erkenhild, la voleuse Katek ou la druidesse Busla, tellement de puissance et d’autodétermination. Y a-t-il vraiment eu des femmes de pouvoir chez les Germains ?

Charlotte Fondraz : Les Romains ont laissé quelques traces écrites au sujet des sociétés germaniques et celtes. On connaît aussi d’anciennes légendes, toutefois dans leur version rapportée par des chrétiens. Ces informations présentent des lacunes et manquent d’objectivité mais certaines laissent cependant transparaître le rôle important de la femme dans la société. Tacite, le Romain, écrit par exemple que les Germains croyaient qu’il y avait quelque chose de sacré et de divinateur inhérent à la femme, aussi se gardaient-ils de ne pas suivre leurs conseils. Ce sont là des termes qu’un auteur perclus de patriarcat aurait pu employer pour décrire l’égalité des sexes. Cela pourrait vouloir dire : dans la société germanique, les femmes avaient autant droit à la parole que les hommes.

Ces femmes peuvent-elles servir de modèles pour celles d‘aujourd’hui ?

Charlotte Fondraz : Il y a des femmes célèbres germaniques ou celtes, telles que la devineresse Veleda, la conseillère Gambara ou Boudicca la reine guerrière. Ces exemples suggèrent que les femmes pouvaient avoir toute sorte de position dans la société. Ils nous montrent qu’influence et pouvoir ne sont pas l‘apanage des hommes. Et c’est en cela qu’elles sont des modèles absolument majeurs. Ces femmes sont hélas bien moins connues que leurs homologues masculins.

De quoi parle le roman Der silberne Kessel ?

En 1891, dans l’actuel Danemark, on a retrouvé un mystérieux chaudron – il était resté en tout et pour tout deux mille ans enfouis dans une tourbière. Un artefact archéologique fascinant, qui n’a pas encore fini de susciter des questions. Quels pouvoirs les Germains pouvaient-ils bien attribuer à ce chaudron ? Et que ce serait-il passé si celui qui s’abreuvait à son contenu recevait le don d’invincibilité ?

Un parti pris fascinant et l’intrigue prodigieuse du nouveau roman historique de Charlotte Fondraz Der silberne Kessel : au premier siècle avant J.C. les marchands romains ne cessent de s’avancer toujours plus loin vers le Nord. La jeune guerrière Erkenhild, qui est persuadée qu’à la suite de cette avant-garde, c’est une armée entière qui va déferler, entend mener une attaque pour prendre les devants. Mais Thorwaltshunt, le chef du clan, se montre hésitant. Se pourrait-il qu’il craigne les Romains ? Convaincue d’avoir ainsi trouvé un moyen de rendre les guerriers germaniques invincibles, Erkenhild charge la voleuse Katek de récupérer un chaudron magique, enfoui dans un tombeau maudit. Mais Erkenhild n’est pas la seule à vouloir tirer profit du chaudron…

Tu dis toi-même écrire des roman « féminhistorique ». Entends-tu par-là raconter l’histoire du point de vue féminin ?

Charlotte Fondraz : « Le patriarcat est la crise de la quarantaine de l’humanité. » C’est mon principe et il en découle que les pères n’ont pas toujours gouverné et à l’avenir, ce ne sera pas non plus le cas. Car enfin il n’existe aucune preuve d’un patriarcat germanique. Mais c’est malheureusement l’impression qui se dégage des lectures ou des musées où il est question de manière générale des « Germains » (et non des Germain•es).

Peut-être cela veut-il dire qu’il y a eu en vérité davantage d’héroïnes dans l’histoire ?

Charlotte Fondraz : C’est bien ce que je pense. Par exemple, j’ai visité un musée au Danemark dans lequel était présentée la reconstitution de la tombe d’un « chef de clan ». Le défunt avait les traits d’un homme à barbe blanche. Le truc c’était qu’il n’y avait pas eu moyen de récupérer le moindre ossement du fameux « chef de clan » puisque la tombe avait été pillée peu après son inhumation ! Il aurait tout aussi bien pu s’agir de la tombe d’une femme !

Au juste, que sait-on précisément de cet authentique chaudron d’argent de Gundestrup dont tu parles dans le roman ?

Charlotte Fondraz : Le chaudron est orné de personnages humain, d’animaux, de créatures fabuleuses et je suis immédiatement tombée sous leur charme. Personne ne sait plus aujourd’hui à quoi renvoient tous ces personnages mais ils racontent des histoires, cela ne fait aucun doute : des contes, des légendes ou des événements historiques. J’imagine qu’à l’époque les gens savaient immédiatement de quelles histoires il s’agissait précisément.

Tout comme nous lorsque nous voyons une jeune femme entourée de sept petits bonshommes barbus avec un bonnet pointu ?

Charlotte Fondraz : C’est tout à fait ça ! Ou un arbre avec un serpent et deux personnages nus. En observant les personnages du chaudron, je me suis imaginée les légendes qu’ils évoquaient : « La fiancée aux cornes de cerf dans l’autre monde », « La reine Medb et ses deux fidèles chefs des armées », etc. Mais pas de panique, je ne raconte pas toutes ces légendes dans le roman !

As-tu fait des recherches in situ ?

Charlotte Fondraz : Oui, je suis allée au Danemark, je me suis rendue sur le site où a été découvert le chaudron, histoire de m’imprégner de l’atmosphère des lieux. J’y suis allée deux fois, chaque fois en automne. Et c’est pourquoi le roman se déroule surtout au cours de cette saison.

Dans le roman Der silberne Kessel, tu utilises plusieurs termes qui n’appartiennent pas (plus) à notre vocabulaire – peux-tu nous en expliquer quelques-uns ? Je pense aux nornes, à tesserarius, au kyndol…

Charlotte Fondraz : Ces termes renvoient à des choses qui n’existent plus aujourd‘hui. Le tesserarius désigne un grade dans l’armée romaine, au-dessus du légionnaire et sous le centurion. Les nornes sont des créatures féminines, de souche divine, qui décident du destin.

Le kyndol désigne un objet inhérent à la magie. Celui-là, je l’ai inventé. J’aurais aussi pu parler de « charme » mais cela aurait fait beaucoup trop naïf. La magie, dans mon roman, s’entend comme quelque chose de sérieux qui détermine la vie des gens. Le mot Kyndol évoque quelque chose de lourd et de puissant, il est mieux adapté.

Un chaudron aux pouvoirs magiques, des rites, des malédictions, des prophéties… À quel point les croyances magiques déterminent-elles la vie des Germains d’il y a 2 000 ans ?

Charlotte Fondraz : Nous ne savons pas vraiment comment les humains de l’âge de fer s’expliquaient le monde. Je pense aux offrandes funéraires, par exemple. On lit souvent que les personnes s’imaginaient que ces offrandes pourraient leur être utiles dans le monde des morts : des provisions pour la route vers l’au-delà, des bijoux à porter là-bas, etc. Ce n’est pas aussi simple, je pense. Il m’est souvent arrivé déjà de voir des ours en peluche, par exemple, dans des cimetières chrétiens. Les gens qui déposent un nounours sur une tombe croient-ils que le mort puisse lui faire des câlins au paradis ? Non, je ne crois pas, les raisons sont plus complexes.

Quel rôle la magie tient-elle dans le roman ?

Charlotte Fondraz : Dans mon roman, il n’y a pas de magie au sens que cela peut avoir dans le genre de la fantasy en littérature. Il y a plutôt une croyance relative à la façon de comprendre le monde qui diverge de la nôtre aujourd’hui. Cette croyance est le fruit de mon imagination. Mais, en l’occurrence, je me suis inspirée de diverses découvertes archéologiques, par exemple des momies des tourbières danoises qui semblent toutes avoir été tuées de plusieurs façons. Les corps présentent des causes multiples ayant pu entraîner la mort : pendu et/ou étranglé, poignardé, écrasé, noyé.

Dans mon roman, la magie comprend aussi les malédictions et les prophéties. Ça marche quand les personnages y croient. On pourrait aussi parler de prophéties autoréalisatrices ou d’effet placebo.

Tout comme nous croyons aujourd’hui à l’horoscope ?

Charlotte Fondraz : Oui, aujourd’hui encore nous croyons en des choses qui ne sont pas prouvées scientifiquement, comme les compléments alimentaires, par exemple. Bon ok, moi aussi ça m’arrive, ce sont des comportements humains. « La vérité d’aujourd’hui est l’erreur de demain » a dit Jakob von Üxküll. Cette citation veut dire que les êtres humains croient tout le temps voir le monde tel qu’il est vraiment. Et qu’à chaque fois, ils se trompent.

Leseprobe

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Cover Der silberne Kessel

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